Un préfet au Front en 1914
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Un préfet au Front en 1914
J’aimerais vous raconter quelques anecdotes sur Henri Paul François Marie Collignon, né le 2 octobre 1856 à Caudéran en Gironde, ancien préfet du Finistère, mort le 2 mars 1915 sur le front de Vauquois dans la Meuse. A 58 ans.
Son parcours pourrait servir de modèle pour les hauts fonctionnaires de la IIIe République: docteur en droit, franc-maçon, d'abord attaché au cabinet du préfet de la Gironde (1880-1881), puis dans les cabinets ministériels de René Goblet et d’Armand Fallières (1881-1883), secrétaire général de l’Indre (1883-1885), sous-préfet de Mayenne, sous-préfet d’Arles (1889-1895), directeur de cabinet du préfet de la Seine, préfet de la Corrèze (1896-1898), préfet de l’Aveyron (1898), directeur du personnel et du secrétariat du ministère (1898-1899), enfin préfet du Finistère (1899-1906). Dans ce dernier poste, il usa d’une grande modération pour imposer, dans un département dominé par la droite catholique, la loi de 1901 sur les associations et la fermeture des écoles religieuses, ainsi que la circulaire Combes du 29 septembre 1902 visant à limiter l'usage du breton. Il n’empêcha pas les vives tensions provoquées par la loi de Séparation en 1905, mais il s’efforça de limiter les violences. L’année suivante, en 1906, il fut révoqué par Clemenceau pour ne pas avoir suffisamment réprimé une manifestation de la CGT. Il se mit ensuite en disponibilité jusqu’en 1912, se consacrant à des travaux d’érudition historique. Cette même année, il fut élu conseiller municipal de la ville de Saint-Georges-de-Didonne, près de Royan, en Charente-Inférieure. Il fut rappelé par le président Armand Fallières et devint le secrétaire général de la présidence de la République française, poste qu’il continua d’occuper sous la première année de la présidence de Raymond Poincaré. Il fut ensuite désigné, en 1913, conseiller d’État.
Il aurait pu rester à l’arrière. Son âge le lui autorisait. Ses fonctions le commandaient.
Il s’engagea comme simple soldat, à 57 ans, au début de la Première Guerre mondiale. Breton d’adoption, il demanda au général Malleterre, à servir comme simple soldat de deuxième classe dans le 46e régiment d’infanterie (ancien régiment de Bretagne, essentiellement recruté dans le Finistère). Il en devient le porte-drapeau, refusant tout honneur supplémentaire dû à son rang. On a gardé une seule photo (ci-dessous) de lui avec son régiment.
Hier soir, dans les papiers de famille, j’ai retrouvé l’historique du 46e régiment (ci-devant régiment de Bretagne “Potius mori quam foedari”) où plusieurs hommes de ma famille ont servi pendant la 1ère guerre.
On y lit: “Citation à l’ordre de l’armée. Soldat COLLIGNON, conseiller d’Etat, officier de la Légion d’Honneur. S’est engagé pour la durée de la guerre au 46e, a pris part aux combats des 22 et 24 août. Placé à la garde du drapeau, a donné l’exemple des plus belles vertus militaires en portant secours aux blessés sous le feu de l’ennemi. A été surnommé par ses hommes: le second La Tour d’Auvergne”.
Il faut vous dire que le 46e faisait partie de la 10e Division d’infanterie (5e corps d’armée, 3e armée) qui prit part à la bataille des frontières. Le 22 août, le jour où Collignon est cité, est le jour le plus sanglant qu’ait connu l’armée française (27 000 morts au moins).
Par la suite, le 46e est envoyé durant l’hiver 1915 en Argonne. L’historique décrit: “Le jour, c’est le bombardement avec les premiers engins de tranchée. Leurs projectiles, aux formes bizarres, bourrés de cheddite, explosent de toutes parts, mêlés aux tirs intermittents de l’artillerie. Et sitôt que les premières ombres du soir s’étendent sur la forêt, la fusillade commence, incessante, jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Il faut savoir ce que fait un ennemi qu’on ne peut pas voir à travers les grands arbres. Des patrouilles partent; c’est au cours de ces randonnées sous bois que s’illustre le soldat COLLIGNON, toujours volontaire pour aller au danger.”
Et puis, la fin: “Le 46e entre en secteur à Vauquois fin février 1915. Il échoue le 17 et le 28 février dans l’attaque du village. Le 15 mars, tandis que le 76e attaque et réussit à progresser malgré un feu terrible, le 46e, qui tient à nouveau sur la Butte des tranchées à peine creusées, subit au milieu du chaos des maisons écroulées la réaction de l’artillerie ennemie. Ce jour-là, le soldat COLLIGNON trouve la mort, près de la ferme de la Cigalerie en se précipitant au secours d’un camarade blessé. C’est une belle figure qui disparaît; cet homme de Devoir a toujours suivi le régiment, encourageant ses camarades par l’exemple et par la parole, refusant les galons d’officier afin de rester près du soldat, qu’il aimait profondément”.
Il faut vous dire que la Butte de Vauquois..., c’est sans doute l’un des pires épisodes de cette malheureuse année 1915 : sur la hauteur, les Allemands ont creusé des galeries qui leur permettent d’aménager des casemates de mitrailleuses et des observatoires pour le réglage de l’artillerie. Un vrai champ de tir. L’historique du 46e le reconnaît: “les pertes furent cruelles”.
Après l’armistice, Collignon ne disparait pas des mémoires. On honore en lui le sacrifice désintéressé, le préfet qui préféra se faire simple soldat pour servir avec ses anciens administrés. En témoigne la stèle qui est érigée en son honneur sur les lieux même de son décès à Vauquois. Plusieurs rues en France portent son nom dont une à Paris dans le XVIe arrondissement.
Aujourd’hui, sa mémoire est quelque peu oubliée. Il n’y a ni stèle, ni plaque à l’ENA ou dans les Instituts régionaux d’administration. Pas même au Conseil d’Etat.
Son parcours pourrait servir de modèle pour les hauts fonctionnaires de la IIIe République: docteur en droit, franc-maçon, d'abord attaché au cabinet du préfet de la Gironde (1880-1881), puis dans les cabinets ministériels de René Goblet et d’Armand Fallières (1881-1883), secrétaire général de l’Indre (1883-1885), sous-préfet de Mayenne, sous-préfet d’Arles (1889-1895), directeur de cabinet du préfet de la Seine, préfet de la Corrèze (1896-1898), préfet de l’Aveyron (1898), directeur du personnel et du secrétariat du ministère (1898-1899), enfin préfet du Finistère (1899-1906). Dans ce dernier poste, il usa d’une grande modération pour imposer, dans un département dominé par la droite catholique, la loi de 1901 sur les associations et la fermeture des écoles religieuses, ainsi que la circulaire Combes du 29 septembre 1902 visant à limiter l'usage du breton. Il n’empêcha pas les vives tensions provoquées par la loi de Séparation en 1905, mais il s’efforça de limiter les violences. L’année suivante, en 1906, il fut révoqué par Clemenceau pour ne pas avoir suffisamment réprimé une manifestation de la CGT. Il se mit ensuite en disponibilité jusqu’en 1912, se consacrant à des travaux d’érudition historique. Cette même année, il fut élu conseiller municipal de la ville de Saint-Georges-de-Didonne, près de Royan, en Charente-Inférieure. Il fut rappelé par le président Armand Fallières et devint le secrétaire général de la présidence de la République française, poste qu’il continua d’occuper sous la première année de la présidence de Raymond Poincaré. Il fut ensuite désigné, en 1913, conseiller d’État.
Il aurait pu rester à l’arrière. Son âge le lui autorisait. Ses fonctions le commandaient.
Il s’engagea comme simple soldat, à 57 ans, au début de la Première Guerre mondiale. Breton d’adoption, il demanda au général Malleterre, à servir comme simple soldat de deuxième classe dans le 46e régiment d’infanterie (ancien régiment de Bretagne, essentiellement recruté dans le Finistère). Il en devient le porte-drapeau, refusant tout honneur supplémentaire dû à son rang. On a gardé une seule photo (ci-dessous) de lui avec son régiment.
Hier soir, dans les papiers de famille, j’ai retrouvé l’historique du 46e régiment (ci-devant régiment de Bretagne “Potius mori quam foedari”) où plusieurs hommes de ma famille ont servi pendant la 1ère guerre.
On y lit: “Citation à l’ordre de l’armée. Soldat COLLIGNON, conseiller d’Etat, officier de la Légion d’Honneur. S’est engagé pour la durée de la guerre au 46e, a pris part aux combats des 22 et 24 août. Placé à la garde du drapeau, a donné l’exemple des plus belles vertus militaires en portant secours aux blessés sous le feu de l’ennemi. A été surnommé par ses hommes: le second La Tour d’Auvergne”.
Il faut vous dire que le 46e faisait partie de la 10e Division d’infanterie (5e corps d’armée, 3e armée) qui prit part à la bataille des frontières. Le 22 août, le jour où Collignon est cité, est le jour le plus sanglant qu’ait connu l’armée française (27 000 morts au moins).
Par la suite, le 46e est envoyé durant l’hiver 1915 en Argonne. L’historique décrit: “Le jour, c’est le bombardement avec les premiers engins de tranchée. Leurs projectiles, aux formes bizarres, bourrés de cheddite, explosent de toutes parts, mêlés aux tirs intermittents de l’artillerie. Et sitôt que les premières ombres du soir s’étendent sur la forêt, la fusillade commence, incessante, jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Il faut savoir ce que fait un ennemi qu’on ne peut pas voir à travers les grands arbres. Des patrouilles partent; c’est au cours de ces randonnées sous bois que s’illustre le soldat COLLIGNON, toujours volontaire pour aller au danger.”
Et puis, la fin: “Le 46e entre en secteur à Vauquois fin février 1915. Il échoue le 17 et le 28 février dans l’attaque du village. Le 15 mars, tandis que le 76e attaque et réussit à progresser malgré un feu terrible, le 46e, qui tient à nouveau sur la Butte des tranchées à peine creusées, subit au milieu du chaos des maisons écroulées la réaction de l’artillerie ennemie. Ce jour-là, le soldat COLLIGNON trouve la mort, près de la ferme de la Cigalerie en se précipitant au secours d’un camarade blessé. C’est une belle figure qui disparaît; cet homme de Devoir a toujours suivi le régiment, encourageant ses camarades par l’exemple et par la parole, refusant les galons d’officier afin de rester près du soldat, qu’il aimait profondément”.
Il faut vous dire que la Butte de Vauquois..., c’est sans doute l’un des pires épisodes de cette malheureuse année 1915 : sur la hauteur, les Allemands ont creusé des galeries qui leur permettent d’aménager des casemates de mitrailleuses et des observatoires pour le réglage de l’artillerie. Un vrai champ de tir. L’historique du 46e le reconnaît: “les pertes furent cruelles”.
Après l’armistice, Collignon ne disparait pas des mémoires. On honore en lui le sacrifice désintéressé, le préfet qui préféra se faire simple soldat pour servir avec ses anciens administrés. En témoigne la stèle qui est érigée en son honneur sur les lieux même de son décès à Vauquois. Plusieurs rues en France portent son nom dont une à Paris dans le XVIe arrondissement.
Aujourd’hui, sa mémoire est quelque peu oubliée. Il n’y a ni stèle, ni plaque à l’ENA ou dans les Instituts régionaux d’administration. Pas même au Conseil d’Etat.
Re: Un préfet au Front en 1914
Un bel exemple en effet.
Ludovic- Messages : 2570
Date d'inscription : 21/05/2016
Age : 53
Localisation : Luxembourg
Re: Un préfet au Front en 1914
Super Bio !
Merci
Merci
Panoramix- Messages : 3188
Date d'inscription : 27/05/2016
Age : 67
Localisation : Périgord
Re: Un préfet au Front en 1914
qu'on n'oublie pas......ceux qui on donner leurs vies,pour une chose qui de nouveau disparais dans les brumes de l'esprit humain.
l'honneur,le don de soi,la fraternité et le sens moral ,des choses qui font un homme,une communauté,une patrie,le sens d'une vie,le sens de la vie.
Oui qu'on n'oublie pas.....
l'honneur,le don de soi,la fraternité et le sens moral ,des choses qui font un homme,une communauté,une patrie,le sens d'une vie,le sens de la vie.
Oui qu'on n'oublie pas.....
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